Réflechir un peu...

18:58 Vanessa 0 Comments



Ce soir,point de pâté...juste un extrait du livre "Sympathie pour le diable" de Paul M.Marchand (reporter de guerre) 

 

Celui qui a beaucoup souffert (le Degré de souffrance auquel un homme peut atteindre détermine presque sa place dans la hiérarchie) est plein d’orgueil spirituel et de dégoût; tout imprégné et coloré de la certitude effrayante qu'il en sait d'avantage, du fait de sa souffrance, que les plus habiles et les plus sages, qu'il a connu beaucoup de mondes lointains et effroyables et qu'il fut un jour "chez lui" dans ces mondes dont "vous autres ne savez rien". Cet orgueil spirituel de celui qui souffre, cette fierté de l'élu de la connaissance, de l'initié,presque immolé,croit toutes sortes de déguisements nécessaires pour se protéger du contact des mains indiscrètes et compatissantes, et en général de tout ce qui n'est pas son égal en souffrance. La profondeur de la douleur rend noble; elle sépare. Un des déguisements les plus subtils est l'épicurisme, et une certaine vaillance du goût dont on fait désormais étalage, qui prend la douleur à la légère et se défend contre toute tristesse et toute profondeur. Il est des "hommes gais" qui se servent de la gaieté pour qu'on se méprenne sur eux : ils veulent qu'on se méprenne. Il est des "esprits scientifiques" qui se servent de la science parce qu'elle donne une apparence sereine, et parce qu'on déduit de leur esprit scientifique qu'ils sont superficiels : ils veulent inciter à cette fausse conclusion. Il est des esprits libres et effrontés qui voudraient cacher et nier qu'ils ont des cœurs brisés et fièrement incurables et parfois la bouffonnerie elle même est le masque d'un savoir funeste et trop certain. D'où il suit que c'est une marque d'humanité un peu délicate de respecter "le masque" et de ne pas pratiquer à tort et à travers la psychologie de la curiosité.

Friedrich Nietzsche


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